Interview de Denis Alcaniz, doctorant en Cinéma.
Interview depuis l’atelier de Camille Goujon, artiste plasticienne et cinéaste d’animation.
Entretien avec Nicolas Cante, pianiste, musicien électronique et producteur. « Voyage entre musique et Cosmos ».
Serge Dentin, entre sciences et arts
Serge Dentin, vous êtes le directeur de l’association Polly Maggoo, présentez-vous à nos lecteurs et parlez-nous un peu de l’association.
J’ai une double formation à la fois scientifique et musicale. J’ai fait mes études à Paris et suis ensuite venu à Marseille en 1987 pour faire une thèse en physique théorique, j’ai donc baigné dans le milieu scientifique assez longtemps.
Marseille pour moi était un endroit de forte découverte artistique. J’ai croisé beaucoup de gens à la fois dans le cinéma, dans les arts plastiques et dans la poésie. Cela m’a ouvert pas mal d’horizons, même si j’étais déjà sensible à tout ça. Ce qui m’a amené à changer de voie professionnelle sont les connexions avec le milieu artistique, notamment les gens qui étaient des jeunes réalisateurs ou moins jeunes. Ce réseau très vivant à Marseille, comme un écosystème culturel et social, m’a amené à aller vers le monde du cinéma. De fil en aiguille j’ai rencontré des gens qui étaient les créateurs de l’association Polly Maggoo, association qui existe depuis 1993. Ces personnes avaient envie de partager avec d’autres leur plaisir de spectateur, et de créer les conditions d’un échange, autour des questions artistiques, mais aussi économiques. J’ai rejoint cette équipe et nous organisions des projections à Marseille dans des lieux très diversifiés, non seulement des cinémas mais aussi des cafés-concert, des librairies, etc. L’idée était d’être dans des endroits où le public n’est pas nécessairement identifié « cinéphile », et créer donc une ouverture.
Ensuite, les personnes qui étaient pilotes de Polly Maggoo sont parties vers d’autres horizons, et moi j’ai pris le relais. Finalement, tout en faisant des films parallèlement, j’ai eu la responsabilité de développer l’association. Mon école du regard c’était aussi les festivals, notamment à Marseille, avec Vue sur les Docs, le prédécesseur du Fidmarseille. Là vraiment des rencontres ont été déterminantes. C’est dans les rencontres et les échanges que les choses se jouent.
L’ambition des festivals ou des associations comme les nôtres c’est d’être initiateurs ou relais de diffusion de films (qu’ils soient documentaires, films expérimentaux, d’art vidéo, ou de fictions…), films qui n’ont en général pas accès aux circuits traditionnels de diffusion que sont les cinémas et la télévision. C’est là que nous jouons un rôle. Il faut des initiatives comme celles-là pour que les films soient vus.
Bien évidemment, du fait de mon parcours scientifique j’avais un regard particulier dans ce travail de programmateur sur les films qui traitent de biologie, d’astrophysique, etc. J’en avais repéré un certain nombre qui me semblaient intéressants à programmer, restait à trouver un cadre qui s’y prête, et finalement cela a pu se faire en 2002, au cinéma « Le Miroir » à Marseille, pendant la Fête de la Science, événement qui a lieu tous les ans au mois d’octobre.
C’est de cette façon que l’on a commencé à initier des programmations thématiques autour des sciences, ce qui nous a amené quelques années plus tard, en 2006, à créer les Rencontres Internationales Sciences & Cinémas, au mois de novembre cette fois. On avait envie aussi d’être totalement pilote de l’événement sans qu’il soit lié à une manifestation nationale qui peut aussi avoir ses contraintes, également de pouvoir le proposer sur une plus longue durée. Au fil des ans les partenariats se sont diversifiés, avec aussi des sections compétitives, un jury, et une ouverture vers les sciences au sens large, incluant les sciences humaines et sociales. Cette connexion entre le cinéma et la science se fait réellement dans la mise en dialogue.
Pouvez-vous nous présenter votre journée type ? Comment se déroule une journée de travail au sein de Polly Maggoo ?
Ce sont des journées très denses, surtout quand on est seul à tenir la barre au quotidien ce qui a été mon cas pendant plus de deux ans ! La situation a cependant changé depuis la rentrée puisque nous sommes à présent trois dans l’équipe. C’est donc redevenu très collaboratif, même si la situation sanitaire ne nous le permet pas totalement…
La journée commence par des discussions autour des priorités et urgences, suivi d’un temps conséquent à prendre connaissance des emails et d’y répondre. Chacun est engagé dans ses missions, entre le développement des projets, l’administratif, l’artistique et les questions de communication ou de diffusion. Ensuite il y a les moments où nous nous retrouvons afin d’échanger, c’est à la fois individuel et collectif. Il y a aussi un gros travail sur la pérennisation de la structure dans un contexte qui n’est pas simple, et qui demande un accompagnement par des regards extérieurs.
C’est déjà la 4ème édition de Lecture par Nature, avez-vous participé à toutes les éditions ?
Non, la première année où l’on a participé c’était en 2018, dans le cadre de la 2ème édition, suite à une sollicitation de l’Agence Régionale du Livre Provence-Alpes-Côte d’Azur, qui coordonne l’événement. Le thème de cette 2ème édition était « Demain, imaginons des Mondes » (entre utopie et dystopie), et nous avons fait différentes propositions croisant le cinéma et la science, qui se sont déroulées au sein de 9 médiathèques de l’aire « Est Etang-de-Berre », entre Marignane et Sausset-les-Pins. En 2019 il y a eu un appel à projet pour la troisième édition de Lecture par Nature sur le thème « Littérature et cuisine », mais on n’a pas pu y répondre, par manque de temps, et aussi probablement d’inspiration.
Cette année nous avons répondu à l’appel à projets en tant qu’opérateur culturel tout public et en sollicitant l’association L’Orage pour des propositions d’éducation artistique et culturelle (EAC) en direction des publics scolaires, puisque les propositions doivent se faire en « tandem ». Notre projet a ensuite été retenu par les membres du comité de sélection.
Quel est le lien entre Lecture par Nature et le reste de vos actions durant l’année ?
Lecture par Nature nous donne l’occasion de faire des propositions qui sont au fond plus largement « art et sciences » qu’uniquement liées au cinéma. Ce sont des propositions que nous avons déjà eu l’occasion de mettre en place dans le cadre du festival, mais plus marginalement, en ouvrant par exemple des fenêtres sur des performances poétiques, ou musicales, invitant des artistes qui s’intéressent à des questions de science, pour lesquels elle est source d’inspiration et de réflexion.
Ensuite il y a des chercheurs et des artistes avec lesquels on initie une collaboration à l’occasion de Lecture par Nature. Par exemple pour la balade artistique et scientifique qui est reportée au Printemps il y a un artiste marcheur, Hendrik Sturm, dont je connaissais déjà le travail, à qui j’ai proposé de participer, en s’associant à deux scientifiques dont Sølvi Ystad qui n’avait jamais participé à nos actions non plus, mais dont je connaissais aussi le travail. Lecture par Nature nous permet donc de rencontrer des artistes et des scientifiques avec lesquels nous pouvons ensuite proposer des collaborations dans le cadre des actions que nous menons à l’année, que ce soit pour le festival que pour les ateliers d’éducation artistique et culturelle.
Les rencontres avec les responsables des médiathèques nous permettent aussi de nouer des contacts pour des projets hors cadre de cet événement. Il en va de même pour les enseignants et enseignantes que nous rencontrons dans le cadre du parcours EAC. C’est un réseau de partenariats qui s’élargit, à cette occasion. D’autres liens se tissent, et il est toujours intéressant de s’ouvrir et de rencontrer de nouvelles personnes ayant des parcours et passions différentes.
Quels ont été vos critères pour choisir les intervenants ? Comment s’est déroulée la collaboration avec les artistes ?
Ça s’est très bien passé ! Je pense par exemple à Nicolas Cante, qui est un artiste très sensibilisé à des questions de science. Il me semblait intéressant de lui proposer de s’associer à un scientifique, pour former un duo et proposer une création. C’était un peu plus compliqué de trouver son binôme scientifique, mais nous y sommes arrivé grâce à nos relais dans différents laboratoires et finalement c’est un jeune astrophysicien, Matthieu Bethermin, qui a accepté de se prêter au jeu, enthousiasmé par la proposition. Ils ont travaillé ensemble sur une proposition musique-astrophysique, et ils se sont très vite synchronisés. On aura l’occasion de découvrir leur création au Printemps, puisqu’elle a été reportée du fait de la crise sanitaire.
Il peut aussi y avoir une certaine complexité, par exemple lorsqu’on organise des séances de courts métrages pour les jeunes publics qui questionnent la relation du son à l’image, et on se demande quel chercheur ou chercheuse inviter. C’est très large, et ce n’est pas toujours évident de trouver… Les intervenants qui acceptent de participer à ces actions ont une ouverture d’esprit suffisamment grande pour pouvoir aller vers des horizons différents de ceux où ils ont l’habitude d’aller.
Ensuite il y a un gros travail de co-construction avec les partenaires, concernant l’artistique mais aussi la question des publics, et la façon de communiquer. Il faut que tout le monde s’accorde, et c’est un accord « multivocal » avec les intervenants, les médiathèques, l’association L’Orage, l’Agence régionale du livre et nous-même. C’est important de se synchroniser collectivement.
On essaie aussi de mobiliser des artistes de Marseille ou des alentours, de puiser dans l’écosystème local, sans vouloir faire du localisme provincial.
Comment avez-vous géré la crise sanitaire qui a totalement modifié les contraintes d’organisation de vos actions pour Lecture par Nature ?
Ce n’est pas nous qui les avons gérées. C’est la Métropole et l’Agence régionale du livre qui se sont concertées pour voir ce qu’ils pouvaient imaginer pour ne pas annuler l’événement. Il y avait une volonté de maintenir les engagements financiers de la Métropole et donc de trouver une façon de maintenir cet évènement d’une autre manière.
L’idée était de transformer l’événement en une version dématérialisée sans que ça devienne indigeste, donc avec des formes plus courtes, et en nombre plus limité. Il y a des ateliers qui malheureusement n’ont pas pu avoir lieu, comme par exemple l’atelier bruitage proposé par Godeffroy Giorgetti et Marie-Anne Cordonnier, la conférence-performance sur le cinéma de Denis Alcaniz et Julien Lamy, ou encore les séances de courts métrages. C’est un regret pour nous tous mais c’est la situation qui a voulu cela.
Dans cette transformation de la proposition en une version dématérialisée, il faut aussi que ça ait du sens pour chacun. Comment transformer un atelier de 3h en une proposition de quelques minutes ? Qu’est ce qui peut être proposé qui ait du sens et qui soit faisable sans demander une remobilisation ou une surcharge de travail pour les intervenants ?
Donc finalement il y a 2 propositions, celle de Denis Cartet et celle de Camille Goujon, qui ont été transformées en formes courtes dans la version dématérialisée, et puis deux autres propositions (la balade et le spectacle musique-astrophysique) qui sont reportées au Printemps.
Quelle est votre stratégie de communication pour promouvoir et mettre en valeur les nouvelles actions sur les plateformes digitales ?
C’est vraiment une question d’actualité ! Il y a Mélissa qui est arrivée récemment comme chargée de production et de communication, et Léa comme assistante de communication. Par ailleurs, il y a des étudiantes en master Management des Organisations Culturelles à Arles qui font un audit de nos outils de communication dans le cadre de leur stage. C’est donc un gros chantier, à la fois de mise en place de nouveaux outils, et de refonte de l’existant.
Par exemple, sur les réseaux sociaux, un Instagram a été créé par Léa. Il y a aussi une réflexion sur Twitter et LinkedIn, leur pertinence ou non en rapport avec nos activités. Nous sommes donc en train de repenser la stratégie de communication de l’association, son identité, et aussi cette double identité qui peut poser problème (Polly Maggoo et RISC). Nous essayons de repenser cette double identité pour que ce soit plus lisible.
Avez-vous d’autres projets en cours de réflexion/de création ? Si oui, lesquels ?
Il y a beaucoup de projets, soit en cours, soit à finaliser, soit à initier et sur des thématiques très différentes, comme celle des stéréotypes de genre, l’écologie, ou encore les migrations, etc., à différents endroits des champs de la recherche scientifique.
Notamment, il y a un projet dans le cadre d’un dispositif qui s’appelle les « Cordées de la réussite », en partenariat avec l’Institut de Recherches et d’Études sur les Mondes Arabes et Musulmans. C’est un projet sur 3 ans, avec des lycéens issus des quartiers prioritaires de la ville de Marseille. Ce sont des jeunes qui souvent se disent que les études supérieures « ce n’est pas fait pour moi », et l’idée est de leur ouvrir des portes vers des univers qu’ils ne connaissent pas. C’est un gros projet, car il met en jeu beaucoup de partenaires, et notamment des étudiants en L3 Arts et Spectacle qui se spécialisent en cinéma, et qui vont accompagner les lycéens sur leurs projets de films. C’est assez nouveau parce que d’habitude nous faisons appel à des réalisateurs professionnels, là c’est vraiment l’idée que ce soient des étudiants qui les accompagnent.
Après, il y a tout un tissage de partenariats dans les territoires du 9ème, 10ème, 11ème et 12ème arrondissements de Marseille, avec lesquels on travaille depuis plusieurs années. Et l’envie aussi de développer des projets dans le centre-ville.
Enfin il y a des projets d’échanges internationaux, auxquels on réfléchit depuis un moment. On y travaille actuellement avec un centre d’art contemporain à Gdansk, en Pologne, dans l’idée de développer un projet européen.
Sans oublier la 13è édition du festival RISC, qui devait se dérouler en 2020 et qui se tiendra fin mars 2021 !
Pour finir, si vous deviez donner 3 mots pour qualifier/définir l’association Polly Maggoo, lesquels seraient-ce ?
Décloisonnement, partage du bien commun, et collectif.
Interview réalisée par Mae Marc, rédigée par Mae Marc.
Révisions : Serge Dentin
Zoom sur l’association L’Orage
Présentez vous :
Je m’appelle Katia Kovacic, je fais du documentaire sonore de création, c’est le fait de donner une forme expressive aux travaux oraux et de récit. Je suis très impliquée dans les travaux avec la voix et le récit. C’est quand même le récit la matière principale avec laquelle je travaille. Bien que je travaille aussi sur des univers sonores, des gens et sur des formes expressives. Il y a pleins d’éléments dans ma vie qui se complètent entre son et littérature. Mais, la matière principale avec laquelle je travaille ça reste le récit.
Présentation de l’association L’Orage :
L’association L’Orage a été montée il y a 10 ans, mais avant ça on travaillait déjà ensemble avec une cellule. Le projet était de faire un collectif de documentaires sonores et de réfléchir à des structures de diffusion, aussi avec un petit peu d’éducation (c’est-à-dire des ateliers). Mais on voulait être une structure autonome parce qu’en documentaires sonores il y a très peu de structures qui peuvent soulever des projets d’intermittences. Donc c’est aussi pour un point de vue administratif que l’association est là.
Le projet principal de L’Orage est de faciliter, monter des projets et chercher des financements pour des personnes souhaitant avoir une structure porteuse. Des réalisateurs qui ont besoin de structures pour porter leur projets par exemple.
L’Orage porte beaucoup de projets.
Activités proposées tout au long de l’année :
On n’en propose pas tout au long de l’année.
Notre activité principale est la réalisation de projets différents et de temps en temps des ateliers. On n’a rien inscrit dans un calendrier. C’est plutôt rapide et ponctuel en général donc rien n’est prévu dans un calendrier. Surtout les ateliers.
Comment est née la collaboration entre vos deux associations ?
Je connaissais Serge par ailleurs, par d’autres événements. Il savait qu’on travaillait dans le documentaire sonore, et donc il nous a sollicités pour être porteurs avec lui dans la réponse à l’appel à projet.
Donc on s’est entendu sur le fait qu’il porterait toute la partie programmation et nous celle de l’EAC (éducation, artistique et culturelle).
Tous les projets de Lecture par Nature sont portés par deux associations, donc là c’est nous qui le portons avec Polly Maggoo.
Dans quel but ?
C’est plus un but d’intérêt culturel, dans le sens où je trouve que ce qu’il propose est de très grande qualité. C’est plutôt intéressant de travailler avec Polly Maggoo, avec Serge alors tant mieux qu’on le fasse.
Qu’avez vous prévu avec Polly Maggoo ?
L’Orage à surtout construit l’EAC. Dans la partie avec Polly Maggoo nous avons travaillé sur le ciné sciences, c’est-à-dire que Polly Maggoo avait choisi des films et nous avons choisi parmi les films pré choisi, avec argumentaire évidemment.
Surtout nous avons proposé en présentation au public, une analyse sonore.
Nous avons écrit le projet ensemble et ensuite avons décidé d’être en lien, comme c’est une musicalité, on a réfléchi à qui est ce qui pourrait intervenir avec nous et nous sommes mis d’accord.
En vue de la situation actuelle (crise sanitaire), les projets ont subi une modification, cela a t il eu un impact ?
Par rapport à Lecture par Nature on n’est pas intervenu en médiathèque, donc je pense que ça a beaucoup modifié par rapport à la réalisation. Nous ne rencontrons pas les publics. Par exemple, nous travaillons avec un collège et un lycée, donc nous les avons rencontré dans un environnement très scolaire, ça a modifié le rapport à l’événement. La réception aussi, et l’engagement. Le fait qu’on ne soit pas dans un autre univers change beaucoup de choses.
Aussi, nous avions prévu une forme numérique, alors qu’on avait déjà beaucoup de travail fait pour l’événement en direct. Finalement le travaille se transforme en “montage”, il n’y aura pas de direct, ça enlève la spontanéité de la rencontre, puis l’engagement de la part des jeunes.
Du côté de L’Orage c’est plus des projets personnels des uns et des autres, donc c’est différent. Malgré tout les interventions sont maintenues, on n’a pas eu de freinage au niveau de l’organisation, seulement tout est déplacé à 2021. Et pour l’instant pour 2021 les gens sont dans la perspective que ça va se faire et se détendre. On a d’ailleurs déjà des dates pour janvier.
Interview réalisée par Catarina Esteves & Eva Poulichel, rédigée par Catarina Esteves.
Discussion avec l’éclectique Denis Cartet
Podcast réalisé par Adrian Lopez
L’écologie fait écho avec Gabriel Nève
Présentation de Gabriel Nève
Je suis maître de conférences à l’Université d’Aix-Marseille, et je mène des recherches dans l’écologie, en particulier sur des insectes.
Présentation de l’activité au sein de Polly Maggoo
L’activité qui était proposée, dans le cadre de Lecture par Nature, c’est une déambulation (terme d’Hendrik Sturm). Que l’on pourrait appeler tout simplement une balade commentée. Elle se serait faite en collaboration avec Hendrick, artiste performeur, et Solvi Ystad, une spécialiste bioacoustique. Mon rôle là-dedans aurait été d’apporter un peu l’œil d’un écologue sur le milieu sonore dans lequel on se trouve. Et de voir quels sont les bruits et sons que l’on entend, en particulier ceux émis par des insectes, des oiseaux et d’autres espèces.
Pourquoi participer à Lecture par Nature ?
Ça découle aussi d’une collaboration depuis quelques années avec Polly Maggoo, une association qui s’occupe de cinéma-scientifique. Dans lequel je participe régulièrement à la projection de films et à des interactions avec le public dans ce cadre-là. Ici c’est un peu différent, il n’y a pas de cinéma. Mais j’avais une action sur le terrain, qui est encore une occasion d’aller à la rencontre du public et de partager dans ce cadre-là. C’est ça qui m’avait intéressé. Et en plus, d’un point de vue pratique, Cuges-les-pins ce n’est pas très loin de chez moi donc c’est facile aussi.
J’ai déjà participé à d’autres activités avec Polly Maggoo dans le cadre d’une promenade commentée à Marignane il y a quelque années (2 ans je crois). Et ça avait eu beaucoup de succès donc j’ai voulu continuer car ça se passe bien.
Avec la pandémie actuelle, comment gérez-vous la situation ? Est-ce que vous vous adaptez ? Et concernant les activités initialement prévues ?
La balade prévue à Cuges-les-pins est reportée au printemps. Quelque part moi ça m’arrange bien, car dans mon domaine il y aura plus d’activités sonores au printemps qu’à la fin novembre. Mais bon évidemment je regrette qu’il faille repositionner ailleurs : tout le monde associatif, tout l’événementiel, tout est annulé ou reporté. C’est très compliqué. En particulier pour les partenaires. Pour moi personnellement, c’est assez facile parce que c’est une action ponctuelle mais ceux qui vivent de ça, ça doit être très difficile.
Percevez-vous des aides de l’État ?
Pour ce type d’actions, moi je suis simplement défrayé des frais de déplacements pour aller sur les lieux. C’est une petite note de frais. Bon. Et ce n’est même pas essentiel pour moi. Je peux participer même sans remboursement de ces frais. Je l’aurai fait quand même. Cuges-les-pins c’est à 10km de chez moi, donc les frais je n’en ai pratiquement pas.
Comment croisez-vous votre travail avec celui des artistes ?
Au mois d’août, Hendrick et moi sommes allés sur place avec le secrétaire de Polly Maggoo, Serge Dentin. Et on a fait une première visite. Et depuis l’hors, j’ai échangé plusieurs fois par mails ou par téléphone avec Hendrick pour discuter de nos recherches de documentation respective. Pour approfondir certains points et préparer la déambulation ensemble. Si ça avait eu lieu à cette période, on se serait vu sans doute le week-end dernier pour les derniers ajustements. Mais bon là comme c’est reporté au printemps, on a un peu plus de temps.
C’est également la première année que je travaille sur ce projet avec Hendrick, bien que j’ai déjà eu l’occasion de le rencontrer dans le cadre académique il y a quelques années. Il participe à l’enseignement en sciences dans laquelle je travaille également, même si on ne fait pas les mêmes cours.
Parlez-nous de vos autres projets, notamment ceux de Ciné sciences
Dans le cadre des festivals sur le cinéma scientifique, je suis régulièrement sollicité par Polly Maggoo pour participer à des débats publics sur des films qui sont montrés. En particulier quand ce sont des films qui mettent en scène certains aspects de science naturelle. Récemment on a eu des films sur les insectes et j’ai participé au débat avec les étudiants à ce sujet. C’était projeté début octobre à des étudiants qui sont en sciences naturelles.
La collaboration formelle avec des artistes est assez exceptionnelle pour moi. Donc comme j’ai dit je collabore souvent avec Polly Maggoo. Et aussi avec une plasticienne avec laquelle je collabore régulièrement dans le cadre de l’enseignement à l’Université à la faculté de Sciences à Saint Charles. Mais tout c’est un autre cadre. Ici, Lecture par Nature c’était la première fois dans ce type d’activité.
Un dernier mot pour la fin ?
Par essence, mon travail de scientifique, quand on rencontre le public, c’est beaucoup dans des occasions de sciences participatives, de journées portes ouvertes où l’on fait visiter les laboratoires ou bien on a une animation en extérieur à des occasions particulières de sciences. Mais c’est rarement dans le cadre d’un festival artistique comme celui de Lecture par Nature.
Interview réalisée par Léa Diamantara, rédigée par Léa Diamantara.
Matthieu Bethermin, entre sciences et musique…
Présentation de Matthieu Bethermin
Astronome au laboratoire d’astrophysique de Marseille, Mathieu travaille principalement sur trois missions :
La recherche en astronomie astrophysique : il étudie la galaxie dans l’univers relativement jeune en utilisant les ondes millimétriques pour comprendre comment le gaz se rassemble t’il avant de former des étoiles. L’idée est de savoir comment se forment les grosses galaxies de l’univers.
Mathieu Bethermin a aussi une mission au service d’observation : il participe à la préparation d’une grande mission de l’agence spatiale européenne dont l’objectif est de cartographier un tiers de l’univers observable. Ce sont des choses plutôt techniques liées à la spectroscopie et à la mesure des distances des objets.
Enfin, il enseigne l’astronomie à l’université en la vulgarisant. Mathieu estime qu’il est important d’enseigner l’astronomie aux étudiants en physique, mais pas que : c’est pour un point pour la culture générale des gens, faire des opérations grand public et ce genre de communication.
Présentation de l’animation prévue pour l’événement
L’idée était de faire un concert en petite salle, avec Nicolas Cante, d’avoir une discussion avec des lectures de textes mais également des explications plus générales sur l’astronomie et de les illustrer avec de la musique.
Il faut savoir que la musique c’est beaucoup d’ondes, de vibrations, de choses comme ça, finalement ce sont des concepts qui sont aussi très parlants pour le physicien. Donc c’est ce qu’on avait démarré, et puis au moment où il fallait finaliser, le COVID est arrivé, donc on n’a pas finalisé le projet.
Oui, mais votre animation sera reportée en avril, entre temps vous a-t-on proposé de faire autre chose?
On nous a proposé de faire quelque chose en ligne, filmé. On s’était dit que c’était peut être la meilleure façon de toucher des gens actuellement, mais ça demande quand même pas mal de ressources donc c’est compliqué. Le report à été préféré.
De toute façon c’est l’affaire d’une répétition pour tout mettre en place, et nous avons quand même pleins d’idées. Donc actuellement on attend d‘avoir une date et on s’y remettra.
Ce genre de choses se font en présentiel, donc il vaut mieux rester sur le report au printemps qui sera en présentiel.
Pourquoi participer à Lecture par Nature?
C’est le responsable en communication de l’observatoire des Sciences de l’univers, l’institut Pythéas qui cherchait un astronome intéressé par ce genre de choses. J’avais déjà discuté un peu de ces choses-là : de vulgarisation mais aussi d’ouverture de l’astronomie.
Donc il a pensé à moi, c’était l’idée de faire des rapprochements disciplinaires, finalement d’aborder des thèmes très différents et vraiment avoir une rencontre qui m’intéressait dans ce projet.
Finalement on attire à l’astronomie un public qui n’est pas forcément intéressé à la base. D’un autre côté Nicolas qui fait de la musique moderne, qui est plus accessible, attire facilement dans l’astronomie. Donc le projet me paraissait sympa alors j’ai accepté. Mais je n’ai pas pris l’initiative de lancer la chose, ça c’est fait comme ça.
C’est la première fois que vous travaillez avec Nicolas Cante?
Oui, je n’avais jamais travaillé avec lui, on ne s’est pas encore vu d’ailleurs, avec tout ce qui a lieu en ce moment. Mais j’ai écouté les musiques de Nicolas, j’ai vu qu’il était beaucoup inspiré par les concepts de matières noires, de mécanique quantique etc, rien que dans ces titres j’ai vue que c’était quelque chose qui m’intéressait aussi donc c’est bien, c’est un vrai dialogue.
De mon côté j’ai fais de la musique quand j’étais gamin c’est quelque chose qui m’intéresse beaucoup mais je n’ai aucune clef d’accès, aucune culture de ça, je suis très novice. Donc c’est très bien parce que de cette façon il y a un vrai échange parce que chacun est intéressé par ce que fait l’autre.
Pouvez vous me parler un petit peu plus de cette collaboration, à travers le projet ?
L’idée c’était de lire aussi des parties de livres et en plus de ces lectures, de finalement raconter des choses liés à l’astronomie et à l’univers, mais des petites touches. Ça ne serait pas une explication détaillée comme à une conférence mais une anecdote, un fait, une idée. Donc on avait une liste de choses et Nicolas une liste de morceaux qui lui faisait penser au cosmos et en fait on était en train de regarder ce qui s’associait bien, je lui avait filé du matériel, des idées, et j’attendais qu’il me dise ce qui l’intéressait pour ensuite finaliser.
Le voyage entre la musique et le cosmos, qu’est ce que ça évoque pour vous?
Déjà il faut savoir que dans la musique il y a eu beaucoup d’inspiration du cosmos. Il y a toujours eu, surtout en musique contemporaine, une inspiration du cosmos.
Après, en astronomie on observe surtout que la lumière sont des ondes, donc il y a des façons de convertir ces choses là en son. D’une certaine façon, ça produit une certaine musique. On ne parle pas d’une musicalité assez extraordinaire mais surtout de sons, par exemple les pulsars qui font des « toc toc toc » réguliers.
Plus généralement, il y a pleins de choses qui sont liées aux ondes, on prend des choses et on émet des sons, fait vibrer des cordes, ce sont des sons très simples, très purs, pour les étudiants en laboratoire. Mais finalement c’est lié.
Il y a quand même un lien qui n’est pas si éloigné entre la physique et la musique, d’ailleurs il y a des disciplines qui travaillent sur ce lien direct.
L’astronomie c’est sur que c’est un peu plus loin, mais finalement il y a plein d’analogies entre les vibrations dans une percussion par exemple et les fluctuations du fond cosmologique. Finalement quand on mesure les fluctuations du fond cosmologique c’est presque comme si on mesurait le timbre d’un instrument.
Après c’est un jeu compliqué, parce que ce n’est pas aussi facile de faire le lien pour un évènement grand public, mais c’est un challenge qui est intéressant. Forcément il y a des choses qui sont un peu artificielles pour les connecter. De toute façon, quand on veut être créatif, il faut aussi s’imposer des contraintes.
Quel était le challenge de cette participation et collaboration pour vous ?
C’était aussi de toucher un public différent d’un public standard qui vient écouter des conférences astronomiques, en général ce sont beaucoup de retraités. L’idée c’est aussi une rencontre de publics qui sont divers.
Après c’est une expérience, je ne sais pas ce que ça peux donner, c’est vrai que c’est un peu intimidant de ne pas savoir comment ça va se dérouler. Mais dans ces expériences là les gens sont généralement très contents, parce que même si sur le coup on a l’impression de ne pas réussir, à la fin on arrive toujours à faire passer des idées.
Le challenge c’était aussi l’idée de faire du pluridisciplinaire, quelque chose qui reste finalement difficile. Mais je pense qu’on va y arriver.
Est ce que vous auriez pensé un jour collaborer avec l’art en devenant astrophysicien ?
C’est une liaison dont je sais qu’elle existe depuis longtemps, en particulier la musique et la physique. Mais je n’aurais jamais imaginé faire quelque chose avec un musicien professionnel, faire une représentation. Surtout que le métier d’astronome professionnel n’est pas celui qu’on entend. C‘est à dire que les images avec lesquelles on fait de la science sont rarement celles qu’on montre dans les médias, qui sont jolies. Souvent on a des images très moches qui contiennent beaucoup d’informations qui comprennent l’univers, et esthétiquement pauvres.
Donc c’est vrai que ce côté artistique n’y est pas trop, souvent les belles images que nous voyons viennent des professionnels de l’image, pas de l’astronome. On n’est pas formé à faire de l’art. Donc c’est sûr que c’est pour moi un saut, mais en même temps c’est bien de le faire parce qu’on n’attire pas les gens sans ça. C’est histoire de dire que la sciences c’est aussi la culture et qu’elle doit être accessible aux gens, et le faire avec des artistes c’est bien.
Pourquoi pour vous c’est bien de raconter la science à travers la musique ?
Car finalement on montre que les gens sont prêt à aller passer du temps à comprendre la musique, à lire des bouquins pas simples à lire, et que la sciences c’est un peu la même idée: si on prend le temps d’essayer de la comprendre et que c’est expliquer d’une manière simple et efficace, ça devient super intéressant, après évidemment on évite les détails pénibles. C’est comme dans tous les métiers, on montre la partie sympa et puis la partie compliquée on l’enlève.
Au niveau de la situation actuelle, votre planning professionnel a t il été chamboulé ?
Je travaille encore plus que d’habitude, parce que j’ai des doctorants qu’il faut encadrer sans ce voir. On y arrive mais c’est délicat.
Au niveau de mon travail, toutes les collaborations internationales étaient déjà en visioconférence puis tout le travail d’analyse etc, peut continuer car c’est numérique.
Après je pense que c’est comme dans tous les métiers c’est moins stimulant de ne pas voir les gens, de ne pas voir les collègues. Même si ce sont des sujets qui nous passionnent, il y a un moment où s’enthousiasmer tout seul c’est moins sympa qu’avec des collègues. La motivation est plus dure à garder.
Un dernier mot pour la fin ?
On a hâte de voir des gens, et de partager notre enthousiasme, donc pour ce genre d’événement par exemple c’est typiquement le stresse la dernière semaine. C’est toujours un peu la panique, on veut améliorer jusqu’à la dernière minute. Mais après ce sont des événements qui poussent vachement la motivation parce qu’on voit les personnes motivés autour, et puis le mois qui suit on est sur un petit nuage, parce que la chose qui était difficile est finalement aboutie et réussie. Alors, on a hâte de recommencer à participer à ce genre d’événement.
Interview réalisée par Catarina Esteves, rédigée par Catarina Esteves.